Cécil Égalis m'a tout d'abord proposé "Les boiteux du ciel", une nouvelle de Jules Supervielle qu'elle avait envie de transposer depuis longtemps sans savoir tout à fait comment l'aborder.
L'utilisation d'éléments photographiques allait nous permettre de créer une installation qui servirait de cadre à un spectacle de marionnettes.
J'entrepris dans un premier temps d'imaginer et de photographier un certain nombre de personnages (une collection de "figurants" en quelque sorte), l'évocation d'une humanité multiple et bigarrée, sans limite d'époque ou d'origine géographique, des hommes occupés à des activités dont ils avaient gardé le souvenir, la nostalgie, le geste, mais pas l'outil. Je retrouvais là le souvenir, la nostalgie aussi peut être, le regard en tout cas, de mon lointain passé de dessinateur de BD.
Pour donner une apparence entre réalité, souvenir, monde matériel et monde des ombres, j'enveloppais mes personnages dans une lumière à trois sources en contre-jour. Je choisissais aussi, dès le départ, de tirer ces photos sur un support tissu semi-transparent qui frotterait librement dans l'espace d'exposition/représentation.


C'est alors que Carole Bourdon fût sollicitée. Auteure, metteuse en scène, collaboratrice de Cécil depuis plusieurs spectacles, elle devait transposer le récit de Supervielle. Pour diverses raisons, elle écrivit plutôt une nouvelle histoire, inspirée du même univers de départ, mais avec un autre thème, un autre fil conducteur et des personnages nouveaux, certains inspirés par ma première série d'images.
Je complétais alors par une deuxième série de prises de vues, dans laquelle figuraient les personnages imaginés par Carole manquant à l'inventaire et plusieurs "figurantes".

Le projet avait à l'origine été conçu pour prendre vie au château de Saché mais les contraintes d'utilisation du lieu rendant celui-ci inaccessible, je proposais de nous installer à la Corroirie du Liget, un monastère fortifié du XIIe siècle, niché au fond d'une vallée du lochois, et riche du passé aussi évocateur qu'envoûtant. J'y ai exposé plusieurs fois et je savais que l'accueil de la famille de Mareuil serait enthousiaste.
Notre première visite fut une révélation pour Cécil et Carole et notre projet, en fait beaucoup plus approprié pour ce lieu magique, prit alors sa pleine dimension.

Sur mon invitation, Carole intégra dans le déroulement du spectacle, des projections de quelques unes de mes photos, des personnages intervenant dans le récit. Ce seraient des tirages papier rétro-éclairés que, pour leur donner vie, je manipulerais sous une camera, en m'inspirant des techniques de manipulations des marionnettistes.
Le comédien Philippe Emauré, qui contribuait à l'élaboration du spectacle et qui jouerait le rôle du guide/narrateur, leur prêterait sa voix.

Pour compléter l'aventure, le plasticien Serge Dubuc découpa l'image de quelques uns de mes personnages pour les intégrer dans dispositif de son invention, une sorte de "manège d'ombres", projeté sur les murs du passage amenant le public vers la sortie en fin de visite/représentation.

Lors des deux éditions précédentes de Photofolies en Touraine, j'avais composé un accompagnement sonore à chacune de mes installations photographiques. Pour "Sommes-nous des ombres ?" la bande son, enchevêtrement de musiques et de bruitages, se devrait d'être une part intégrale du spectacle. J'ai composé pour l'occasion une sorte de ragtime en deux mouvements que j'ai orchestré différemment suivant chaque scène, allant de la musique concrète au Hip Hop, de l'orchestre de cordes à la fanfare cuivrée, le tout agrémenté de murmures fantomatiques, de vent, de vagues et de chants de volatiles divers.

L'installation et le spectacle vont connaître un avenir polyforme, mais riches de l'expérience de la Corroirie, nous allons rechercher la juste adéquation entre notre réalisation et des lieux à fort charactère.

A suivre donc prochainement…

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