GRAPHISTE, CRÉATEUR DU PREMIER LOGO APPLE

Quel est, à votre avis, l’élément qui rend le logo Apple si aisément reconnaissable ?
Dans le logo Apple c’est le symbole proprement dit, la pomme multicolore dans laquelle on a enlevé une bouchée et non pas les mots “APPLE COMPUTER”.
Au départ j’avais dessiné un lettrage spécialement pour que les mots “APPLE COMPUTER” sortent de la bouchée enlevée dans la pomme. Dès que la companie, les produits et le logo ont été reconnus, les mots ont été supprimés en faveur du symbole.
Il a aussi été adapté dans certain programmes, quelquefois un pointeur a des rayures. Pour les gens qui le connaissent, c’est devenu une référence non seulement de la marque mais aussi de l’informatique en général.
Bien sûr à l’époque nous n’avions aucune idée que la companie Apple allait avoir autant de succès, et ses produits non plus. J’ai eu cette chance d’être associé avec Steve Job et les quelques personnes qu’il avait au début.
Quand avez vous créé le logo?
Je l’ai créé en 1976. Je travaillais pour une petite agence à Palo Alto (Californie) du nom de Regis McKenna.
Avez vous créé la police pour le logo ?
Non, le lettrage était une police existante. Au départ c’était une police Letraset appelée Motter Tektura. Mon but était de dessiner un symbole qui soit amusant et accessible, associé avec une typographie un peu “techno”. Je voulais en quelque sorte trouver l’équilibre entre le jeu et la technologie, parce que le produit était technologiquement très avancé, mais Steve essayait de le démocratiser, de le mettre à la portée de tous, qu’il soit facile à utiliser, au lieu d’être réservé aux magiciens de l’informatique.
Je suis heureux que la typographie ait été dissociée du symbole parce que, dans un sens, une typo toujours connectée au symbole limite les applications d’un logo. Si vous voulez avoir le symbole très grand vous devez avoir la typo en très grand aussi bien que ce soit cette forme de pomme dont les gens ce souviennent. Quand vous voyez ce symbole vous n’avez pas besoin de lire les mots. C’est pourquoi il a aussi bien fonctionné internationalement.
Recommandez vous systématiquement à vos clients l’utilisation d’un symbole, ou pensez-vous que cela ne s’applique qu’à certains types de compagnies ou certains types de produits ?
Disons qu’en tant que graphiste, ayant une orientation visuelle, je suis toujours partisan d’essayer de simplifier la communication. Si un symbole se substitue à un produit ou à un mot je crois que vous avez fait le tour de la question. Vous n’avez pas besoin le lire “General Electric” pour savoir ce que signifie ce graphisme GE. Il faut un certain temps pour parvenir à ce résultat, mais La compagnie Apple à fait un travail tellement remarquable, les agences en ont fait une si bonne promotion, que ce processus a été accéléré. Les gens voient le symbole et ils n’ont pas besoin de voir les mots. Je pense que le public réagit aux couleurs et à l’humour dans la forme. Il y a une sorte de jeux de mots dans la façon dont la forme est dessinée : On a enlevé une bouchée (en anglais “bite”). Çà n’est pas seulement la silhouette d’une pomme, (vous ne pourriez mordre dans aucun autre fruit de cette manière) mais c’est aussi que le mot “byte” est un terme informatique. Je crois donc que dès le départ les mordus d’informatique ont apprécié ce double sens dans la forme.
On a pas souvent la chance de pouvoir s’amuser comme çà avec un logo. Les logos sont habituellement tellement sérieux !
Les couleurs également sont très gaies. Pourquoi avez-vous choisi d’en avoir autant ?
L’une des raisons est qu’à l’époque c’était le seul ordinateur personnel qui pouvait être connecté à un moniteur couleur pour reproduire des couleurs à un prix abordable. C’était une des caractéristiques importantes, qui pouvait être de grande valeur pour le marché de l’éducation: il y a beaucoup plus d’interaction quand les enfants voient de la couleur. J’ai donc pensé que beaucoup de couleurs communiqueraient non seulement la versatilité du produit mais renforceraient le côté amusant et accessible du symbole. Mon plus gros travail a été de créer un symbole pour quelque chose que les gens aimeraient avoir chez eux. Jusqu’alors l’ordinateur était un objet menaçant, ce n’était pas comme une machine à écrire ou un grille-pain. C’était trop technique, trop difficile à utiliser et à entretenir et nous voulions essayer de faire disparaître cette image.
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